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Date : juillet/septembre 2007.
Krousar Thmey, première fondation cambodgienne d'aide à l'enfance défavorisée, est la première organisation non gouvernementale à avoir proposé, depuis 1997, une éducation aux enfants sourds cambodgiens [il y aurait environ 5% de déficients auditifs dont 0.7% de sourds profonds au Cambodge selon une étude menée par la japan international cooperation agency en 2001], elle a donc dû dans un premier temps développer les outils nécessaires à une bonne communication. C'est ainsi que les équipes ont adapté la langue des signes américaine aux spécificités de la langue khmère [dactylologie khmère]. La seconde étape, fut l'édition par Krousar Thmey de manuels d'apprentissage de la langue des signes qui accompagnèrent l'enseignement proposé dans les écoles spécialisées dans l'objectif de rendre les programmes scolaires du Ministère cambodgien de l'éducation de la jeunesse et des sports [1] accessibles aux sourds. Arrivée au terme de ce programme, la nécessité d'un dictionnaire de langue des signes khmère apparaît comme indispensable. Toute langue possède ses outils de référence et les dictionnaires, en ce domaine, apportent une légitimité, fixent les usages, tracent les évolutions et permettent la communication. Cela est d'autant plus vrai pour la langue khmère dont le premier et unique dictionnaire contenant les définitions des mots, commencé en 1938, publié depuis en cinq éditions, dont la dernière du Chuon Nat, date de 1967. D'où l'importance de ce qu'écrivent Kosal Cheam, directrice de Krousar Thmey Cambodge et Auray Aun, coordinateur régional adjoint Aide et Action, dans la newsletter d'Aide et Action du 15 août 2007, que "la production d'un premier dictionnaire en langue des signes khmère est un outil révolutionnaire non seulement pour les enfants sourds mais aussi pour tous."
Actuellement, Quelques 750 enfants sourds [chiffres de l'année 2007] apprennent la langue des signes dans les quatre écoles spécialisées et y suivent, encadrés par de jeunes professeurs spécialement formés, une scolarité adaptée à la surdité. Des cours de danse traditionnelle et de rythme complètent leur enseignement et les initient à l'art et à la culture khmère. Dès que les enfants maîtrisent les connaissances de base et ont acquis une certaine indépendance [grade 5], ils sont intégrés dans l'école publique la plus proche [concept de l'éducation inclusive]. Ils partagent alors leur temps entre l'école publique et l'école spécialisée. Enfin, le développement actuel de l'implantation de classes intégrées, une classe entièrement dédiée aux enfants sourds ou aveugles, dans les écoles publiques des campagnes et des régions les plus reculées du pays [42 classes intégrées dans 12 provinces en juin 2007] permettra à terme que tous les enfants sourds du Cambodge puissent avoir accès à une éducation adaptée dès le grade 1.
Ma mission consistait essentiellement à développer un programme informatique en coopération avec des informaticiens cambodgiens dans la perspective de créer le premier dictionnaire numérique de la langue des signes khmère. A partir d'un cahier des charges assez succint, je me mettais au travail, en optant très vite, pour une infrastructure minimaliste. L'équipement informatique d'un pays tel que le Cambodge n'a rien à voir avec l'approche occidentale de l'outil numérique. Mon concept fédérateur fut "less is more" et pour la pratique, le bloc-note de Windows. Je proposais donc de réaliser une application utilisant le langage Hypertexte et qui fonctionnerait à partir du "Web browser" [navigateur] intégrer dans tous les ordinateurs. Le principe est le même que si vous accédiez a un site Internet par le Web mais sans connexion. Les principaux avantages sont de deux ordres. Le premier est la possibilité d'enrichir le programme d'origine [c'est à dire par exemple de rajouter des signes, pour information, la version cd-rom peut contenir plus de 2000 signes!]. Le second est la possibilité de le mettre en ligne sur Internet.
La version bêta du dictionnaire propose la recherche d'un signe à partir d'un choix dans une liste thématique en khmer, en français ou en anglais ⇒ langue des signes khmère [LSK], puis d'un choix dans une liste de termes. Il est possible de taper les premières lettres de la langue ou du mot recherché pour accélérer la sélection. Une interface graphique simple permet d'afficher une séquence vidéo ainsi qu'une transcription en dessin du signe correspondant au terme sélectionné. La partie khmère possède en plus la définition, l'emploi et les éléments de formation du signe accompagnés d'une phrase exemple. L'utilisation de ce logiciel est facile et n’exige aucune compétence informatique préalable et peut donc servir à des personnes inexpérimentées en la matière. Le code respecte scrupuleusement les standards en vigueur du W3C [World Wide Web Consortium], concernant le XHTML 1.0 [le contenu] et les feuilles de style CSS 2 et 3 [la mise en page], car il garantit la pérennité et l'interopérabilité des pages Web et leur restitution correcte dans tous les navigateurs. Il a été également conçu dans le souci de répondre à un maximum de points de la directive du WCAG-1.0 de la WAI [initiative pour l'accessibilité du Web du W3C]. Le code répond normalement aux exigences du niveau AA de la norme tout en remplissant de nombreuses conditions du niveau AAA.
L'importance dans ce projet de la prise en compte de l'usabilité et de l'accessibilité part du postulat de Tim Berners-Lee, directeur du W3C et inventeur du World Wide Web : "mettre le Web et ses services à la disposition de tous les individus, quel que soit leur matériel ou logiciel, leur infrastructure réseau, leur langue maternelle, leur culture, leur localisation géographique, ou leurs aptitudes physiques ou mentales".
L'utilisation des standards du Web offre un bénéfice connexe de première importance, le résultat sera plus facilement accessible aux personnes handicapées en étant compatible avec les aides techniques [plage Braille, lecteur vocal, navigation sans souris, etc.] :
Chaque utilisateur est différent, au delà du handicap physique, facteur le plus souvent montré pour l'exemple, nous réagissons différemment en fonction de notre matériel [taille de l'écran et de la fenêtre, système d'exploitation, manière dont les polices de caractères et leur tailles sont restituées, préférences de l'utilisateur, etc.], de notre expérience avec l'outil informatique ou encore en fonction de notre catégorie sociale ou de notre activité professionnelle. Pour être plus clair, une page Web doit être réfléchie et conçue afin que ce qu'elle contient soit totalement indépendant de la façon dont son contenu sera restitué sur un écran ou n'importe quel dispositif [TV, imprimante, téléphones portables, assistant personnel [PDA], etc.].
Je souhaiterais également exprimer ici, mes sincères remerciements à l'association Krousar Thmey France et Cambodge, avec une pensée particulière à Bénito, madame Cheam Kosal, au comité de la langue des signes cambodgienne [CSLC] [2], Son Thea, Sous Veasna, Tan Brida, Lao Sokhéta, Thai San, Phan Sam, Sok Sun Heang, Choun Kunthea, Ela Soeu, à Hang Kimchhorn [directeur de l'école des sourds de Chbar Ampov, Phnom Penh], à mes confrères Em On et Khieu Chetra co-auteurs de ce projet, à tous mes amis cambodgiens sourds et entendants, et pour finir, un clin d'oeil à Isabelle, Marie-No et bopha de Lopez.
Ressources documentaires :
[1] Le système éducatif de base cambodgien comporte un enseignement primaire de 6 années de cours, du premier au sixième degré ou grade, un premier cycle d'enseignement secondaire général, du septième au neuvième degré et un second cycle d'enseignement secondaire général validé par un examen de fin d'étude, du dixième au douzième degré. Seuls, les neuf premiers degrés sont obligatoires et la scolarité débute à 6 ans.
[2] Créé en 2000, le comité joue un rôle fondamental, dans la valorisation, le développement et la mise en place de la langue des signes khmère auprès de la communauté sourde cambodgienne. En aout 2004 un accord a par exemple été signé entre le ministère de l'information, la chaîne de télévision nationale [TVK] et Krousar Thmey. Cet accord stipule qu'un journal télévisé sera traduit et diffusé en langue des signes chaque dimanche soir à 21h30. Ce programme qui existe depuis presque 4 ans permet aux personnes sourdes d'avoir accès à l'information, mais il permet également de faire prendre conscience au plus grand nombre de l'existence de ce handicap.
Autre article traitant de la même thématique : Notes de recherche sur l'Unicode khmer [mai 2008].
Lever des couleurs à l'école pour sourds de Chbar Ampov [banlieue de Phnom Penh, Cambodge].
La maternelle de l'école pour sourds de Chbar Ampov [banlieue de Phnom Penh, Cambodge].
Détente à l'école pour sourds de Chbar Ampov [banlieue de Phnom Penh, Cambodge].
La cantine de l'école pour sourds de Chbar Ampov [banlieue de Phnom Penh, Cambodge].
Cours de danse à l'école pour sourds de Chbar Ampov [banlieue de Phnom Penh, Cambodge].
Danse à l'école pour sourds de Chbar Ampov [banlieue de Phnom Penh, Cambodge].
Danse [le paon] à l'école pour sourds de Chbar Ampov [banlieue de Phnom Penh, Cambodge].
Circulation à Phnom Penh [Cambodge].
En route pour la Casa [Phnom Penh, Cambodge].
Danse [le singe] à l'école pour sourds de Chbar Ampov [banlieue de Phnom Penh, Cambodge].